Il s’agit d’une interaction virtuelle organisée par un consortium d’ONG, le Département d’Etat Américain à travers INL et le ministère guinéen de la Sécurité, réunis autour du thème suivant : ‘’partage de bonnes pratiques de cinq années de Réforme du secteur de la Sécurité en Guinée’’. Le responsable CECIDE-PAX, Moussa Nimaga, était l’un des panélistes du webinaire, tenu à la date du 25 mars 2021. L’expert revient ici en détail sur les points débattus au cours de cette rencontre virtuelle.
A l’origine, le projet : ‘’réforme de la police au service des citoyens’’ est financé par le Département d’Etat Américain à travers le Bureau international chargé de la lutte contre les stupéfiants et de l’application des lois (INL) et en collaboration avec le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile de la République de Guinée, a appuyé la réforme du secteur de la sécurité en Guinée- en particulier la mise en œuvre de la police de proximité. Le projet a réussi à améliorer les relations entre la police et les communautés et a permis aux deux groupes de résoudre les défis de sécurité communs en Guinée.
Au cours des cinq dernières années, INL a soutenu Partners Global et les membres du consortium COGINTA et CECIDE dans la mise en œuvre du projet « Partenaires pour la sécurité en Guinée : la réforme de la police au service des citoyens ».
Le but du projet était d’instituer la police de proximité en Guinée et de réformer le secteur de la sécurité en améliorant les relations entre la police et les communautés afin qu’elles puissent ensemble relever les défis de sécurité. Ce projet arrive à terme à la fin du mois de mars 2021. Pour partager les bonnes pratiques au cours des cinq (5) dernières années, un webinaire public a été organisé ce 25 mars 2021.
Sous la modération de Dr. Solange Bandiaky-Badji, Directrice Senior des programmes Afrique et Femmes-Paix-Sécurité du PartnersGlobal et la participation de INL, trois panélistes guinéens ont animé ce webinaire ouvert au publique du monde entier. Ce sont :
- Fodé Shapo TOURE, Conseiller du Ministre de la Sécurité et de la Protection Civile : « Institutionnalisation de la police de proximité en Guinee ».
- Mme Marguerite TEWA-CAMARA, Directrice Pays, COGINTA-Guinée : « Initiative des policiers référents à l’école » – promouvoir le dialogue entre la police et les élèves.
- Et M. Moussa NIMAGA, Coordinateur du programme Paix-Justice-Sécurité, CECIDE : « La caravane des femmes » – restaurer la confiance entre la police et les femmes.
Durant deux heures d’horloge, ces éminents panélistes ont vanté les acquis du projet et montré leur expertise et celle de leurs structures respectives.
Notre rédaction s’est intéressée à la participation de la société civile à travers monsieur NIMAGA Moussa de l’ONG CECIDE.
Suite au constat ci-dessous :
- Un très faible taux de dénonciation à la police des crimes dont les femmes sont victimes ;
- Un manque de confiance entre la police et les femmes ;
- Une crainte générale était que les auteurs des crimes peuvent facilement corrompre ou influencer les policiers et se faire libérer
Il a indiqué que le but de la caravane était de :
- Rétablir la confiance entre la police et les femmes à travers les « jours de visite dans les postes de police » ;
- Orienter les femmes vers les commissariats afin qu’elles expliquent leurs problèmes ou les cas de criminalité ou de délinquance concernant leurs localités ;
- Créer des espaces de dialogue entre les femmes et la police sur la nouvelle doctrine de la Police de Proximité et montrer un nouveau visage de la police.
Il a partagé quelques bonnes pratiques du projet :
- La caravane des femmes dans les postes de police est une innovation. C’est la première fois en Guinée et dans un projet que les femmes se regroupent et effectuent des visites dans les postes de police. Avec comme slogan « Femmes de Guinée et la police, main dans la main pour combattre l’insécurité ».
- Au total, 427 femmes ont participé à 26 caravanes : dix (10) à Conakry, quatre (4) à Kankan et trois (3) dans chacune des localités suivantes à Kindia, Labé, Mamou et Siguiri.
- De coutume en Guinée, les femmes sont stigmatisées et ne doivent jamais porter plainte contre leur époux ou contre un proche au commissariat, et cela malgré plusieurs textes de loi qui protègent les femmes contre les violences basées sur le genre. Cette pratique a créé une distance entre les femmes et le commissariat.
- La caravane des femmes organisée pour rendre visite aux commissariats est venue briser ce tabou en tant qu’une grande première en Guinée.
- L’initiative a suscité beaucoup d’intérêt de la part des principales parties prenantes. Elle a permis d’accroitre le taux de dénonciation des crimes faits aux femmes et une forte résistance des victimes aux respects de leurs droits.
Il a partagé avec les participants au webinaire quelques témoignages
- Celle de madame Mariama Diallo, ancienne participante d’une caravane à Labé, après annulation du mariage de sa fille de 14 ans ! » (OPROGEM Labé, février 2021) : « avant, les cas de mariage précoces étaient systématiquement arrangés entre les hommes sans notre consentement, mais au jour d’aujourd’hui, grâce à certains projets, notamment la visite dans les commissariats, nous avons pu connaître que la police peut annuler les mariages précoces. Dieu merci, nous venons de sauver ma fille d’un mariage précoce.
- Pour madame Fatoumata Diakité, Directrice préfectorale de l’action sociale et de la promotion féminine de Labé : « Avant leur visite dans les commissariats, les femmes venaient nous voir pour les aider à résoudre leur problème, tout en associant pas la police, par peur de divorce. Désormais, elles osent enfin aller vers la police ».
- Quant à madame Ramata Mamadou Diallo, chef d’antenne OPROGEM Labé : «Au début, c’était la police qui allait vers la population, et c’était très difficile de les convaincre : aujourd’hui, c’est elles qui viennent vers la police ».
Perspectives : à la fin de son intervention, il a félicité les partenaires du projet et les membres du consortium avant de revenir sur les perspectives qui se résument comme suit :
- Renforcement des acquis ;
- Extension du projet dans les régions non touchées, notamment dans la région de N’zérékoré où des conflits sont récurrents, notamment l’organisation des sessions de dialogue, de l’organisation de la visite des femmes dans les commissariats et d’une plus forte implication des jeunes et des femmes dans leur propre sécurité ;
- Formation des agents de l’OPROGEM dans le domaine de la protection des couches vulnérables (Femmes, Enfants, etc.) ;
- Afin de consolider les acquis du projet, il est important de mettre en place un volet justice de proximité à côté de la police de proximité ;
Le webinaire s’est achevé par la série des questions posées par les participants :
Les panélistes ont donné leurs points de vue sur les stratégies qui ont été mises en place pour amener les policiers à adhérer à la réforme du secteur de la sécurité. Entre autres questions : comment s’est matérialisée la coordination intersectorielle et ministérielle pour la mise en œuvre de la police de proximité ;
Comment les questions de genre ont été intégrées dans le projet ;
Quel est le niveau d’implication et d’engagement des maires et des communautés locales ;
Est-ce que les bonnes pratiques de ce projet peuvent être mises en œuvre dans des pays comme le Mali ?
Comment ce projet peut aider à améliorer la sécurité routière ?
En réponse à ces questions, les panélistes ont donné leurs points de vue et estiment en grosso modo que l’expérience de la Guinée en matière de la réforme de la police doit être partagée en Afrique, notamment dans les pays du Sahel…
Moussa Nimaga
Tel : 624 62 93 95