Sévère à l’égard des manifestants, le texte de loi anticasseurs est examiné à partir de ce mardi par les députés. Au grand dam d’élus de gauche, il n’évoque pas les violences policières.
Le gouvernement ne s’en est pas caché. Face aux débordements en marge des manifestations de gilets jaunes, il a « besoin de porter un message fort» de retour à l’ordre et de fermeté. Pour renforcer l’arsenal contre les manifestants violents, c’est une proposition de loi issue des sénateurs LR, recyclée et en partie réécrite, qui doit être examinée dans l’hémicycle de l’Assemblée à partir de ce mardi. Le texte reprend les annonces faites début janvier par Edouard Philippe, couronnant une série d’appels à l’«ultra-sévérité» au surlendemain d’un acte VIII particulièrement dur. Seulement, en trois semaines, le vent a tourné, laissant monter un autre sujet : l’usage par la police et la gendarmerie de«force intermédiaire» – grenades GLI-F4, lanceurs de balles de défense LBD 40 – dont l’opinion a pris conscience en découvrant le recensement des blessures infligées et les images de manifestants mutilés ou éborgnés.
Si la proposition de loi n’en touche pas mot, la question fera irruption dans la discussion parlementaire. «Le texte ne tombe pas du tout à point nommé pour le gouvernement. N’y sont visées que les violences de certains manifestants mais jamais les violences policières», déplore la députée (LFI) Clémentine Autain, tandis que son collègue Ugo Bernalicis entend «marteler sur la répression et ouvrir le débat».
Devant la commission des lois la semaine dernière, Christophe Castaner a pour la première fois parlé «des manifestants blessés par l’utilisation des armes de défense de la police ou de la gendarmerie», évoquantun chiffre largement sous-estimé de «quatre personnes frappées violemment à la vision (sic)». Autre petit gage : le ministre de l’Intérieur avait annoncé l’équipement de caméras-piétons potentiellement actionnées lors de l’usage de ces LBD. La blessure à l’œil d’un leader des gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, touché samedi par un projectile des forces de l’ordre, ne manquera pas de convoquer à nouveau le sujet ce mardi. Le groupe LFI a déposé des amendements visant à interdire le recours à des armes d’une dangerosité «supérieure ou égale à celle» des LBD ou des grenades GLI-F4. Une piste écartée par le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez : «Nous allons continuer à utiliser ces armes intermédiaires de défense qui ne sont utilisées que quand nous sommes confrontés à des individus violents.»
Il n’est pas non plus question de s’engouffrer dans ce débat pour le groupe LREM, d’abord enclin à adresser un message de soutien aux forces de l’ordre «qui triment sur le terrain chaque samedi». D’autant que certains ont déjà à cœur de corriger des articles clés du texte, engageant en particulier un bras de fer avec le gouvernement sur la création de «périmètres de sécurité» aux abords de manifestations. Si le ministre propose d’encadrer le dispositif, une partie des députés LREM, perplexe sur son efficacité, veut le supprimer pour s’en tenir à la possibilité de procéder à des fouilles en cas de risque de troubles graves. Les interdictions administratives de manifester et la mention des casseurs dans un fichier général font aussi l’objet d’âpres discussions, la majorité souhaitant les encadrer au maximum. Le tout dans des délais très courts. Un député LREM résume : « Le gouvernement sent bien que la population demande de l’ordre. Mais le souci du législatif est de corriger les approximations à cette réponse immédiate que l’exécutif impose. »
Edition de libération, 28 janvier 2019