C’est un long entretien que le président Alpha Condé a accordé à François Soudan, notamment dans le magazine ‘’Afrique subsaharienne’’. Les questions posées à Alpha Condé sont diverses. Il dit être « profondément démocrate » et traite ses adversaires d’avoir une »mentalité de putschistes ». Lisez quelques parties de son interview !
Si la pandémie n’est pas éradiquée en Guinée, l’élection présidentielle d’octobre sera-t-elle reportée ?
Je ne peux pas répondre à cette question pour l’instant, d’autant que je ne suis pas décisionnaire en la matière. Cela revient à la Commission électorale nationale indépendante [Ceni]. Ce qui m’intéresse pour le moment, ce n’est pas l’élection, mais comment faire en sorte que l’économie guinéenne ne s’effondre pas.
Le double scrutin du 22 mars référendum constitutionnel et législatives – a été boycotté non seulement par l’opposition regroupée au sein du FNDC, mais aussi par les observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie [OIF], de l’Union africaine [UA] et de la Cedeao. Comment en est-on arrivé là?
Prenons les choses dans l’ordre. Alors que nous avions fixé ensemble la date des législatives au sein de la Ceni paritaire, l’opposition a décidé de les boycotter pour une raison simple : sa stratégie était de faire exploser la Guinée en jouant sur la concomitance avec le référendum. Elle a échoué. Pour ce qui est des observateurs, je vous ferai remarquer que c’est moi qui ai demandé à ceux de l’UA et de la Cedeao de venir. Et ils sont venus à Conakry. L’UA en a dépêché une trentaine, et la délégation de la Cedeao était dirigée par l’ancien président nigérien Salou Djibo, accompagné du commissaire aux affaires politiques, le général Francis Behanzin. Brusquement, ils ont été rappelés et se sont donc retirés, sans qu’on nous en donne les raisons.
Et ceux de la Francophonie ?
Nous avons travaillé avec l’OIF sur le fichier électoral en 2018. Elle a fait des recommandations que nous avons suivies, et ses experts ont reconnu que le logiciel dont s’est dotée la Ceni était extrêmement performant, du jamais-vu en Afrique. Mais il n’a jamais été question que l’OIF nous envoie des observateurs. Elle était là pour un accompagnement.
Vous dites que l’opposition, particulièrement le FNDC, voulait faire exploser la Guinée. C’est une accusation grave !
Oui, mais fondée. Ces gens étaient clairement dans une démarche insurrectionnelle de prise du pouvoir par la force. Leurs leaders l’ont dit dès avant le 22 mars : nous manifesterons lundi, mardi, mercredi, et jeudi nous serons au palais. L’un d’entre eux a même parlé de la nécessité d’une transition militaire, ce qui a donné des idées à un officier inconscient qui a entraîné une dizaine d’hommes dans un projet de coup d’État voué à l’échec. C’était oublier un peu vite que la Guinée d’aujourd’hui n’est plus la Guinée d’hier. Le FNDC a envoyé ses nervis attaquer des bâtiments publics, verser de l’huile sur les routes, manifester avec des machettes, des frondes et des fusils de chasse. Une tentative d’attentat au véhicule piégé contre une station d’essence a été déjouée in extremis à Conakry. Dans la bouche des dirigeants du FNDC, il n’était question que de renverser le pouvoir et de rendre le pays ingouvernable. Quand Cellou Dalein Diallo dit à ses jeunes militants : « vous prêts à mourir ? » Cela veut dire quoi ? La Guinée n’a jamais connu de guerre civile, et elle n’en connaîtra pas. J’ai moi-même été opposant pendant quarante-deux ans et lorsque des militaires sont venus me voir après les élections de 1993 pour me proposer de me porter au pouvoir par la force, je leur ai répondu que je ne faisais pas de la politique pour gouverner des cimetières. Jamais je n’ai eu recours à la violence. Je suis profondément démocrate, mais mes adversaires ont une mentalité de putschistes (…)
Lu dans Afrique subsaharienne